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Philosophies

554 Le nœud de l'amour

554 Le nœud de l'amour

Cet après-midi, j’étais un peu fiu+. J’ai fait une petite sieste à la suite d’un gros coup de barre, dû peut-être à une baisse de pression avant l’orage. Puis j’ai passé l’après-midi à lire : j’ai fini deux livres. 

The Fourth Way d’Ouspensky, dont je n’ai pas bien suivi le dernier chapitre sur la récurrence. C’est une notion que je ne connaissais pas, mais qu’il faudrait approfondir. Je crois que c’est une théorie qui lui est personnelle, et qui ne figure pas dans l’enseignement de Gurdjieff. J’en saurai peut-être plus quand j’aurai fini son livre Tertium Organum, que j’ai commencé il y a plus d’un an et qui est antérieur à sa rencontre avec Gurdjieff. 

Et Méditation sud-américaine de Keyserling, que j’ai eu du plaisir à finir. J’y trouve une grande satisfaction intellectuelle dans la façon dont ses théories philosophiques sont construites, même si elles ne tiennent souvent pas debout ou sont basées sur des données fausses ou mal interprétées, comme le fait remarquer Victoria Ocampo dans sa postface. Mais comme la philosophie (selon Ouspensky) n’est pas basée sur des faits réels ou des données vérifiables, cela n’a pas beaucoup d’importance. L’important est la construction mentale, et elle n’est intéressante que si elle est subjective, ce qu’elle est par définition. Ce livre n’est pas facile à lire ni à suivre dans tous ses détails, car il est très concentré, et il faudrait disséquer et analyser chaque phrase. Je remarque que je m’arrête surtout aux idées pour lesquelles j’ai une affinité, qui me plaisent ou qui, si elles sont nouvelles, semblent exister potentiellement en moi. Ce qu’il développe dans les dernières pages, « Exprimer nos imperfections nous permet d’avancer sur la voie de la perfection », correspond tout à fait à sa façon d’écrire, et me convient très bien aussi. Il s’agit de dire quelque chose qui est peut-être faux, et sûrement imparfait, afin de s’en servir de base pour avancer et progresser dans d’autres œuvres. Malgré les dangers que cela peut comporter, cela me semble une façon dynamique de travailler, qui permet de se situer par rapport au monde extérieur et, comme dirait Keyserling, de voir la réaction que l’auteur provoque chez son public. Il compare l’auteur (l’artiste) et l’ascète (le sage, l’ermite), qui tous les deux s’expriment par des images symboliques plus puissantes, selon lui, que l’action ou la volonté.

 

* Fiu : sorte de lassitude, très courante chez les Polynésiens, qui justifie l’arrêt immédiat de toute activité. Expression : je suis fiu. Mais il semble que le fiu soit contagieux, même pour les Popaa (les Blancs).

 

17 novembre 1985, Faaa (Tahiti)

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