Désenchantement
Hier, j’ai fini de saisir toutes mes petites fiches et notes sur l’ordinateur. J’ai maintenant vingt-deux fichiers Abc* ! Qu’il va falloir revoir et réordonner, mais ça avance. J’ai aussi rangé presque tout l’appartement, à part quelques zones d’ombre. Il me reste encore à trier les dossiers de mon ordinateur, en particulier les mails, et faire des archives ; puis mettre à jour mes sites web, mes adresses, mes comptes et mon courrier. Il y en a encore pour quelques semaines. Alors, tout sera en ordre, et je pourrais partir, déménager, commencer une nouvelle vie ou de nouvelles activités… ou mourir.
Pourtant, depuis hier soir, je suis de nouveau un peu morose. À quoi sert tout ce que je fais ? Pourquoi suis-je si impatient de me remettre sur l’ordinateur pour finir mon classement ? Comment va ma santé ? Qu’est-ce que je fais à Chiang Mai, et dans ce monde insensé ? Cependant, quand je suis seul chez moi, je me sens plutôt bien ; parce que je suis sans cesse dans le faire, qui me distrait de la réalité profonde. Que ferai-je quand tout sera en ordre ? Éric Baret* m’inspire toujours beaucoup, c’est ma bouteille d’oxygène en ce moment ; il faudrait seulement arriver à mieux mettre en pratique son enseignement : être dans le présent, dans le ressenti de comment je suis maintenant : bien, triste, agité… et ne rien vouloir changer. La tristesse et la morosité, est-ce que ce ne sont pas d’autres mots pour exprimer le désenchantement et la dispassion des bouddhistes devant le samsara* ?
* Abc : je classe mes notes, mes idées et mes listes de choses à faire, par sujet, dans des fichiers Abc (Abc Peinture, Abc Santé, Abc Journal, etc.). Il y en a des dizaines, que je mets à jour plus ou moins régulièrement.
* Baret (Éric) (né en 1953) : disciple de Jean Klein, Éric Baret enseigne le shivaïsme tantrique du Cachemire. Il est devenu mon principal maître spirituel depuis notre rencontre en 2002.
* Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.
23 novembre 2002, Chiang Mai