Est-ce qu’on fait des choix ?
Savoir si on décide, si on fait des choix, est une question plus complexe qu’il n’y paraît, et qui recevra des réponses différentes selon le niveau auquel on se place.
D’abord, qui ferait des choix ? La personne, le moi illusoire auquel nous nous identifions ? Auquel qui s’identifie ? Auquel la pure conscience, Dieu, s’identifie ? Alors est-ce que la pure conscience (Shiva), ou Dieu, fait des choix ? Qui est-ce qui imagine l’existence d’une pure conscience, ou d’un dieu qui ferait des choix ? Est-ce qu’une entité illusoire (le moi, la personne), ou une entité imaginaire (la pure conscience ou Dieu), peut faire des choix ? Et des choix pour quoi ? Pour le comportement de cette entité illusoire dans un environnement tout aussi illusoire ? Si, dans l’absolu, tout est silence et vacuité, où pourrait bien exister un concept de choix ?
On voit que si on part dans cette direction, l’idée de choix est absurde et inappropriée.
Si on part, par contre, dans le sens de la manifestation du monde des objets, on peut se questionner sur son fonctionnement, et tout d’abord dans quelle mesure celui-ci est dirigé par des choix. Et si on considère que oui, qui ferait ces choix ? Il faut envisager d’abord l’origine et l’histoire de cette manifestation, qu’on pourrait appeler l’univers. On se rend compte alors qu’on a affaire à un imaginaire et des croyances. Pour faire bref : le big bang, puis l’apparition de l’espace et du temps, de la causalité, de la matière, des galaxies et des étoiles, du soleil, de la terre, de la vie, et pour finir de ces petits êtres stupides, capricieux et arrogants qui s’imaginent tout connaître et diriger leur petit monde en faisant des choix… Un nouvel imaginaire, où l’homme s’approprie certains aspects de la manifestation comme les résultats de ses choix.
Si on considère maintenant le choix dans la perspective de notre petite existence individuelle, nous sommes nés, après avoir été conçus par nos parents. Certains vont dire qu’on choisit ses parents, c’est donner de nouveau le pouvoir de faire des choix à une entité mythique qui transmigrerait de vie en vie selon son libre arbitre. D’autres disent que c’est la loi du karma, plutôt qu’un choix personnel (de quelle personne ?) qui nous ferait naître dans une certaine famille, un certain pays, un certain milieu social, etc.
Ensuite, le petit bébé semble avoir bien peu de choix, il mange quand on lui donne à manger, dort quand il a sommeil, crie ou pleure quand il a faim ou mal, urine et défèque quand le besoin s’en fait sentir, et grandit sans aucune intention velléitaire.
Est-ce bien différent quand le bébé devient un enfant, puis un adolescent, un adulte et un vieillard ? Sinon qu’il commence à se considérer comme une entité séparée dotée du libre arbitre de faire des choix. Mais qui est-ce qui ferait ces prétendus choix ? Qui serait cette prétendue entité séparée ?
Le corps ? Il répond aux impératifs de son code génétique qui dirige son métabolisme et ses instincts, qui veillent à sa survie et à celle de l’espèce. À cela s’ajoute le conditionnement qui va dicter des habitudes de vie. Dans les deux, il y a bien peu de choix. Le code génétique dicte le fonctionnement interne et le conditionnement le fonctionnement externe.
Nous ne prétendons pas avoir beaucoup de choix sur le fonctionnement interne de notre métabolisme et de nos organes, mais nous prétendons en avoir sur notre fonctionnement externe, pourtant notre conditionnement ne nous dicte-t-il pas nos actions et nos activités d’une manière aussi impérieuse que le code génétique les actions et activités de nos organes et de nos cellules ? Même si, au passage, l’homme s’approprie quelques turbulences bien éphémères de la manifestation (les œuvres d’art, les constructions, les guerres, la science, la technologie…).
1er et 3 février 2015, Chiang Mai