Est-ce que j’existe ?
Une des choses qui me surprend toujours dans les enseignements de nombreux maîtres de la non-dualité, c’est l’affirmation indiscutable que « j’existe », « je suis », qui semble servir d’axiome de base à leur doctrine. Il y aurait une entité, une « êtreté », une conscience permanente, qui serait notre vraie nature. Curieusement, cette perception-là serait réelle – même une réalité fondamentale – alors que toutes nos autres perceptions seraient illusoires.
Étrangement donc, beaucoup de ceux qui prétendent avoir découvert la réalité ultime n’ont pas pu se libérer du désir d’exister, d’être quelqu’un. C’est probablement une des expressions de notre instinct de survie en tant qu’individu.
Il ne faut pas pour autant tomber dans l’autre vue extrême, celle de notre non-existence, mais réaliser que l’impression d’exister, d’être, n’est qu’une perception relative qui nous permet de fonctionner dans le monde, pas une vérité absolue. C’est un concept, une croyance. L’existence est du domaine de la manifestation phénoménale éphémère, duelle et conceptuelle. L’absolu est au-delà des concepts et des rêves de l’homme.
L’homme a toujours rêvé qu’il était plus qu’un amas de particules anonymes qui s’assemblent et se dissolvent à chaque instant, mais qu’il contenait une essence divine et permanente ; et il continuera de rêver… Rares sont ceux qui se sont éveillés de ce rêve et ont réalisé qu’ils n’étaient rien, qu’il n’y avait personne, aucune entité inhérente, même pas une pure conscience : seulement le spectacle lumineux, mais fugitif, de la manifestation…
Toute existence est duelle, car elle suppose une non-existence ; et conceptuelle : c’est ce qui lui donne son parfum de permanence.
27 avril 2016, Chiang Mai